Existe-t-il une solution logistique performante qui fonctionne pour chaque producteur sur chaque territoire ?


Votre réponse à la question (attention à bien citer vos sources !!) Il n’existe bien sûr pas de solution logistique universelle pour les circuits de proximité. Comme le souligne Marc Lourdaux d'Echanges Paysans 05, la spécificité de chacun comprend des situations extrêmes (localisation, tarifs, possibilités) qui vont à l'encontre de l'idée de solution complète et unique.

Les différents articles de ce wiki mettent en lumière le fait que le choix de l’organisation logistique à privilégier et des outils éventuellement associés vont varier selon les caractéristiques des parties prenantes des circuits, de leurs objectifs en termes de performance / durabilité et des caractéristiques du / des territoire(s) dans lesquels se déploie un circuit.

Du point de vue du territoire, le fait d’être dans un espace rural ou urbain va induire des besoins logistiques différents. Les dynamiques territoriales sur certains aspects vont aussi rendre certaines solutions plus adaptées et performantes que d’autres. Par exemple, les solutions collectives seront potentiellement plus envisageables sur un territoire où les producteurs sont habitués à travailler en collectifs et / ou si l’éloignement des bassins de consommation rend plus pertinente le développement de solutions de mutualisation. L’existence de prestataires logistiques déjà présents sur le territoire et ouverts au travail sur les circuits de proximité ou bien encore le soutien des politiques publiques locales peuvent également rendre certaines solutions plus pertinentes que d’autres.

Les objectifs de performance peuvent également être très variables en fonction des acteurs. Ainsi, la définition même d’une logistique performante peut ne pas être la même selon que l’on est un producteur, un consommateur final ou un intermédiaire. Si les critères de coût semblent relativement partagés, les attentes en termes de service rendu peuvent varier, les acteurs de l’aval souhaitant souvent un service le plus en flux tendus possible alors que ce mode de fonctionnement peut s’avérer très problématique pour les producteurs. Au sein même de chaque catégorie d’acteurs les attentes peuvent varier. Enfin, les besoins en matière de performance logistique vont en partie varier en fonction du type de circuit de proximité dans lequel on se trouve, ceux-ci étant par essence pluriels (avec intermédiaire / sans intermédiaire, individuel / collectif, avec engagement / sans engagement …).

Enfin, cette diversité d’attentes en matière de performance de la logistique et donc des solutions technologiques / numériques et organisationnelles en la matière vont être liées aux caractéristiques territoriales évoquées ci-dessus et aux caractéristiques des acteurs impliqués / à impliquer. Ce sont aussi des facteurs qui vont guider le fait de se tourner vers un ou plusieurs circuits en particulier plutôt que vers tel(s) autre(s) et les attentes en termes de performance globale du circuit. Là aussi les caractéristiques varient.
Côté production, les caractéristiques de la ferme (localisation, main d'oeuvre, ...), du producteur ainsi que son vécu contribuent à expliquer sa plus ou moins grande propension à adopter des outils numériques ou à externaliser des activités ou à privilégier un type de prestataire plutôt qu’un autre. Le type de produits peut aussi induire des besoins différents, les produits carnés ou laitiers induisant par exemple des contraintes de températures plus fortes que pour d’autres produits et donc potentiellement des besoins d’investissement plus importants.
Chez les intermédiaires, les besoins peuvent être différents selon que l’on est distributeur : revendeur ou restaurateurs. Pour la première catégorie cela peut aller de la petite épicerie locale indépendante à l’hypermarché propriété d’une grande chaine de distribution en zone péri-urbaine dont les approvisionnements transitent quasi exclusivement une plateforme. Le cahier des charges logistique appliqué au producteur peut alors grandement varier en termes de souplesse et adaptabilité, de formalisme des procédures, de répartition des tâches entre le producteur et le distributeur, de documents à fournir, d’horaires à respecter etc… De même, dans la restauration, les pratiques et attentes peuvent varier selon que l’on est en restauration commerciale ou collective. Ce sont les attentes de cette dernière qui sont à ce jour les mieux renseignées par la littérature, la restauration collective, et en particulier scolaire étant vue comme un levier de développement des circuits de proximité. On note une grande variabilité de volumes, de fréquence et de planification de commande, de rapidité de livraison attendue ou encore de modalités de commande, certaines cantines privilégiant les marchés publics d’autres cherchant au contraire à privilégier le gré à gré auprès du producteur ou de plateformes dédiées au B to B. La taille de la cantine / cuisine centrale, la gestion directe ou concédée, le profil du chef de cuisine, les dynamiques d’accompagnement sur le territoire, des expériences précédentes positives ou négatives en matière d’approvisionnement local ou encore le portage politique sont autant de facteurs qui contribuent à expliquer cette diversité de pratiques et d’attentes logistiques de la restauration scolaire.
Quant aux consommateurs finaux, nous manquons à ce jour d’éléments pour analyser leurs attentes spécifiquement en matière de logistique. Nous ne pouvons à ce stade qu’émettre l’hypothèse que cela reste largement un impensé, la fonction logistique restant, pour le consommateur, largement (Gwen : pas transparente) transparente. Là aussi la diversité des profils de consommateurs rend difficile l’énonciation de toute généralité, certains consommateurs privilégiant les circuits a priori les plus contraignants pour eux sur le plan logistique (comme certains systèmes de panier ou de cueillette), d’autres se tournant au contraire vers les solutions qui vont minimiser cette contrainte (commande en ligne, livraisons expresse en point relais voire à domicile), la reportant sur les acteurs de l’amont.

Cela ne signifie pas que la logistique des circuits de proximité ne soit vouée qu’à du « bricolage » de micro-solutions sans pouvoir tirer parti des enseignements des chaines longues en matière d’optimisation, de consolidation des flux et d’organisation et outils multicanaux, c’est-à-dire adaptés à une diversité de circuit de distribution. Cela conduit en revanche en penser que ces circuits pour toutes les raisons évoquées ici, vont reposer sur une diversité de solutions plus ou moins formelles et de grande ampleur ce qui peut concourir à faire de ces circuits un terreau fertile pour l’innovation en matière de logistique.

Sources

RATON G., RAIMBERT C., 2019, Livrer en circuits courts : les mobilités des agriculteurs comme révélateur des territoires alimentaires émergents. Étude de cas dans les Hauts-de-France. Géocarrefour, 93/3. http://journals.openedition.org/geocarrefour/13993

BOURE M., CHIFFOLEAU Y., AKERMANN G., 2019, Diversité des usages du numérique dans les circuits courts alimentaires et impacts potentiels sur leur durabilité.

GONÇALVES A., 2016, Des perceptions diverses des enjeux logistiques par les acteurs des circuits courts. Rencontre « Les enjeux logistiques des circuits courts alimentaires », Lille, Cerema, 28 avril 2016

RATON G., BLANQUART C., GONÇALVES A., VAILLANT L.., 2016, Logistique des exploitations en circuits courts : fondements d'une typologie pour un meilleur ciblage des solutions d'amélioration, 53ème colloque de l’ASRDLF, Gatineau (Québec), 7-9 juillet

RATON G., GONCALVES A., VAILLANT L., BLANQUART C., LOEILLEUX P., TELLIER C., 2015, ALLOCIRCO. Alternatives logistiques pour les circuits courts en Nord – Pas de Calais, Rapport final, 276 p. https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/redaction/SPLOTT/documents/Allocirco/ALLOCIRCO-Rapport_final-2.pdf

GONÇALVES A., MORGANTI E., BLANQUART C., 2015, Approvisionner les villes par les circuits courts alimentaires : un défi de conciliation des politiques publiques et des logiques d’acteurs, Géocarrefour, 16 p., https://geocarrefour.revues.org/9581

BLANQUART C., GONÇALVES A., RATON G., VAILLANT L., 2015, Vecteurs et freins d’une logistique plus durable dans les circuits courts : le cas du Nord – Pas-de-Calais, 52ème colloque de l’ASRDLF, Montpellier, 7-9 juillet, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01176784v1

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