Quels sont les atouts de l’interopérabilité des outils numériques quand on est un producteur ?


Votre réponse à la question (attention à bien citer vos sources !!) Cette contribution s'appuie sur l'expérience de Data Food Consortium, qui réunit depuis 2016 des acteurs des circuits courts au niveau national et international autour d’un projet d’interopérabilité (sous forme d'un langage numérique co-créé en open source)

L'interopérabilité, kesako ?

L'interopérabilité est la capacité pour plusieurs systèmes informatiques de communiquer entre eux, d’échanger des informations et d’utiliser mutuellement des informations.

Appliquée à la vente des produits en circuits courts, l'interopérabilité entre plusieurs plateformes de distribution permet de simplifier pour les producteurs les opérations de saisie ou de mise à jour de stocks lorsqu’un même produit est distribué sur plusieurs plateformes de vente.
En effet, si celles-ci sont interopérables, cela signifie qu’elles peuvent échanger des informations sur les catalogues produits, les stocks, voire les futures commandes de manière automatique, synchronisée et transparente pour le producteur.
Supposons par exemple qu’un producteur vende ses produits sur une plateforme de vente A et une plateforme de vente B.
Aujourd’hui, il a vendu 2 bottes de radis sur la plateforme A, ce qui a diminué son stock de bottes de radis de 2 unités sur cette même plateforme. Maintenant si A et B communiquent, le stock de ce même producteur sur la plateforme B va aussi diminuer de 2 unités.
Cela paraît simple et évident mais cela est possible seulement si les plateformes sont interopérables.

Techniquement, cela peut se faire de plusieurs façons :
- par la synchronisation de données : les données sont alors partagées par la plateforme B, répliquées et mises à jour sur la plateforme A.
- ou alors, dans le monde du web sémantique, en organisant la lecture des informations produits par la plateforme A directement dans la plateforme B, sans réplication de données (solution privilégiée chez Data Food Consortium).


Quelques éléments de contexte

Les producteurs et acteurs de circuits courts font de plus en plus appel aux services d'outils informatisés divers pour le suivi de leur production, la gestion des parcelles, de leurs catalogues produits, la vente en ligne de leurs produits via des outils de e-commerce, la facturation, comptabilité, etc.

La profusion des outils numériques peut conduire les producteurs en circuits courts à manipuler plusieurs plateformes de manière concomitante.
Mais du fait d'un manque de coopération, ces outils ont tendance à fonctionner en silos, chacun utilisant son propre logiciel.

Résultat : la donnée ne circule pas entre les outils et cela crée des complexités et des pertes de temps pour les producteurs en circuits courts.
- Les producteurs qui utilisent plusieurs outils sont en effet contraints de saisir les mêmes informations plusieurs fois dans tous ces outils (ex : saisir plusieurs fois leurs catalogues produits)
- Les données ne sont pas synchronisées entre plateformes donc cela pose des soucis de gestion de stocks (et de fiabilité de données)
- Les producteurs n’ont pas de vision globale de leurs commandes et encore moins de vision des commandes et livraison des autres producteurs, ce qui freine les coopérations.

Sur un plan logistique, en l’absence de partage de données, chaque hub doit organiser sa propre logistique.

Il est même fréquent que chaque producteur organise sa propre livraison. Par conséquent, les camionnettes roulent à moitié à vide, engendrant des coûts de transports importants, un trafic routier plus important et des impacts environnementaux négatifs (émissions de gaz à effet de serre).
- Actuellement, ces soucis d'optimisation logistique représentent un enjeu majeur pour les circuits courts. Un avis de l’Ademe de 2017 pointe en effet les inefficacités logistiques des circuits courts, et d’après la thèse de Jorge Osorio (non publiée), on pourrait gagner jusqu’à 60 % de CO2 et 50 % de temps de transport en mutualisant la logistique. - Mais pour mutualiser la logistique, il faut notamment un partage de données entre plateformes. Celles-ci doivent trouver une solution pour communiquer entre elles, pour être "interopérables".

Stratégies possibles pour rendre les outils numériques interopérables

Pour permettre un échange de données entre plateformes, nous avons étudié chez Data Food Consortium les 3 options possibles d'interopérabilité :
1. connecter les plateformes une à une via un traducteur (API)
2. s’accorder sur un standard de fait
3. ou développer ensemble un standard numérique ouvert (en open source). C'est la solution que nous avons choisie chez Data Food Consortium car elle nous semble la plus pertinente, la plus efficace et la plus démocratique.

Intérêts d'un standard numérique ouvert pour les producteurs en circuits courts

- Pour rendre les plateformes de vente et de logistique en circuits courts interopérables, nous avons décidé au sein de Data Food Consortium de co-créer un standard, c'est à dire nouveau langage numérique équitable, en open source et adapté aux circuits courts.
Concrètement, il s'agit d'une façon commune de décrire la production, la distribution en circuits courts et des protocoles de partage des données que chaque plateforme a besoin d’apprendre pour être en mesure de communiquer avec toutes les autres (ce qui n’empêche cependant pas chacune de garder son propre langage). Cette description (ou ontologie) est batie sur une connaissance fine du métier des circuits courts et sur des cas d'usages précis et adaptés (ex : partage et modification de catalogues produits entre plateformes, partage de flux de commandes et opportunités de colivraisons entre producteurs).
Ce standard est co-créé par les plateformes de vente et de logistique en circuits courts dans une logique participative et ouverte (en open source).

Cette solution d'interopérabilité permet selon nous, au niveau des circuits courts :

- le partage de données de manière démocratique (sans donner plus de poids au langage d'une plateforme par rapport aux autres)
- structurer tout l’écosystème des circuits courts sur un plan numérique
- de créer des synergies et de connecter les acteurs et les initiatives à une large échelle (pas seulement une à une).
- d’ouvrir la voie à des modèles logistiques et économiques collaboratifs sur les circuits courts et notamment à une mutualisation des transports, répondant à la fois à des enjeux écologiques (diminution des émissions de gaz à effet de serre) et logistiques (optimisation et réduction des flux logistiques)

Au niveau des producteurs ou acteurs des circuits courts, un langage numérique commun entre plateformes permettra à terme :

- des facilités de gestion et des gains de temps dans la saisie des informations. C'est la fin des saisies multiples : plus besoin de se connecter à chaque plateforme de distribution ou de logistique puis de de combiner voire réconcilier les informations par soi-même (que ce soit au niveau des catalogues produits, des stocks, des commandes, des livraisons). Par exemple, le producteur pourra avoir accès, en une seule connexion, à un catalogue transversal de tous ses produits sur l’ensemble des plateformes de distribution qui utilisent le standard... et d'autres services encore !
- une fiabilisation des informations en temps réel concernant la disponibilité des produits (ex : données sur les stocks, données sur les futures livraisons)
- la mise en place de nouvelles coopérations commerciales : trouver plus facilement de nouveaux débouchés ou encore mutualiser leurs ressources sur des projets communs (par exemple mutualiser des solutions logistiques).
- la réduction des coûts (coûts de gestion, coûts de transport) et la possibilité de se concentrer sur leur coeur de métier : produire de délicieux produits et créer du lien avec les mangeurs !


Contributeurs


Réponses complémentaires



Volet thématique associé à la question Technologique
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