Aide à la décision : faut-il sous-traiter le transport et/ou la logistique de ma production ?

ProducteursStratégieLogistique

Gwenaëlle Raton

SPLOTT

France

04/2022

Revue de littérature


Cadre de documentation

Cette contribution est la synthèse de la revue de littérature et des réflexions de G. Raton avec l'apport des signaux de terrains par S. Demann (témoignage de JM Thouy co-fondateur d'Agriflux).

Sommaire

Panorama des solutions recencées
Définitions
Conclusions

Introduction : panorama des solutions recencées

Les circuits alimentaires courts ou de proximité (CACP) connaissent d’importantes recompositions. D’un point de vue logistique, le poids des coûts et temps passés à la livraison conduit certains producteurs en circuits courts à repenser leurs organisations logistiques (Blanquart et al, 2015). Parmi les leviers organisationnels, l’internalisation ou l’externalisation des livraisons est au cœur des questionnements. La question « Make or buy » est relativement nouvelle au sein des circuits courts, alors même qu’il s’agit d’une question fondamentale pour les enseignes dont l’activité logistique constitue un maillon essentiel de leur chaîne de valeur.
Si à l’échelle des exploitations individuelles en circuit court, le recours à des transporteurs professionnels reste encore marginal (pas de données nationales, mais enquêtes terrain : RATON et al, 2015, Raimbert et al, 2019, Bouchez et al, 2017), les collectifs d’agriculteurs en circuits courts illustrent d’un intérêt plus important pour la question.

Quel est l'éventail des solutions logistiques existantes et comment choisir la plus adaptée aux besoins de son projet ?

Nous tenterons ici de présenter les solutions existantes en les associant avec les effets attendus. Nous nous essaierons à balayer le panel de solutions que nous pouvons voir à ce jour et les jeux qu'elles entretiennent avec les éléments qui composent les systèmes agricoles et les chaînes logistiques.
  • Figure 1 : Panorama des offres de transport existantes dans les circuits courts alimentaires selon le choix de stratégies d’internalisation ou d’externalisation du transport
  • image Externsolution.png (92.3kB)
image Internsolutions.png (0.1MB)

Définitions :

Internaliser
L'internalisation renvoie au redéveloppement des formes d’organisations où l'exploitant agricole en plus de produire assure directement ou indirectement par le financement la délivrance de ses produits aux consommateurs. Les fonctions logistiques sont conservées dans le système de l'exploitation agricole.
Externaliser
L’externalisation peut se définir comme (Damien, 2010, dictionnaire du transport et de la logistique) : « l’action par laquelle un chargeur confie l’organisation du transport à des entreprises spécialisées et indépendantes assurant également la logistique de distribution ». Il s’agit d’un transfert de responsabilité sur les transporteurs.

Conclusion : les grandes questions à se poser


Suis-je prêt(e) à collaborer ?

  • et à quel point ?
  • Le souhait de gérer son activité en toute indépendance versus celui de collaborer ou de s’appuyer sur des collaborations existantes, ou la préférence pour des relation contractuelles.
· Demande une coordination entre les producteurs et avec les clients
· Modification de la relation client
· Coopération à intérêt économique : confiance, contrat(s) …
· Calcul du modèle économique : méthode de répartition des gains et coûts
· Quelles structures construire ? quelle gouvernance ?

Les intérêts de la mutualisation :
· Economie d’échelle
· Occasion pour travailler en équipe
· Envisager des projets à plus fortes dimensions
· Gagner en attractivité commerciale

Les inconvénients et points d’attention : les freins constatés à la collaboration
● Le souhait de gérer son activité en toute indépendance ;
● Le manque perçu d’agriculteurs proches avec qui travailler ;
● La concurrence entre agriculteurs ;
● Le manque de volonté de développer les ventes

Quelle est ma connaissance de mes coûts (financiers, humains) logistiques ?

Il est nécessaire de se poser un ensemble de questions (la valise pédagogique Logicout peut y aider) en identifiant deux ressources majeures : le temps humain et la ressource financière.
Identifier :
  • Postes de dépenses : argent & temps
  • Les essais déjà réaliser
  • Des ensembles d’enjeux à court et moyens termes
Calculer : le pourcentage de se que représente la logistique à l’échelle de la production
Fixer: des objectifs financiers et de temps

Qu’est-ce que je souhaite prioriser dans mon organisation : rentabilité économique, efficacité (gain de temps, volumes, niveau de services…), lien social, flexibilité (horaires, volumes, résilience), l’échelle locale ?

Les intérêts de l’externalisation :
· Economie de temps
· Assurances et garanties des services achetés : confort,
· Potentielle réduction des émissions de GES
· Le coût
Les inconvénients et points d’attention :
· Evolution de l’organisation du travail : prise en compte du mode opératoire prestataire
· Le coût peut être plus élevé qu’un transport internalisé assuré par des véhicules déjà amortis et de bons taux de chargement (voir Sophie de Veldelair, chambre agriculture Bretagne, formation) - Arbitrer demande d’avoir conscience des coûts déjà portés par l’agriculture
· Temps de la réflexion des besoins pour choisir la bonne prestation (données à preparer pour solliciter un prestataire + demarchage et devis )
· Peut nécessiter de négocier


Suis-je en capacité de revoir : mes horaires, relations clients, mes méthodes de travail ?

  • Les horaires investient dans la logistiques
    • Internaliser : plus de temps
    • Externaliser : simplification du planning
  • Relations clients :
    • Internaliser : contact régulier à la livraison...
    • Externaliser : des rencontres choisies pour discuter, négocier, choisir...
  • Méthodes de travail :
    • Internaliser : autodidacte, indépendant, autonome
    • Externaliser : travailler avec un prestataire, respect de conditions, ...

Quel est le principal obstacle logistique pour mon système agricole ?

Lorsque la réflexion sur l’internalisation ou l’externalisation d’une ou partie des tâches logistiques s’engage, c’est qu’une partie au moins des temps passés ou des coûts pose un problème. Plusieurs solutions existent et il semble important dans la réflexion d’identifier les points qui posent des problèmes et demandent leur amélioration pour cibler au mieux la solution.

Puis-je dès à présent compter sur l’appui d’un collectif ?


Actuellement, on peut distinguer deux grands types d’organisations logistiques internes : les producteurs qui le font individuellement et les groupements (voir tableau).
Dans le cas d'une organisation qui n'est pas individuelle, l'internalisation c'est un recrutement interne d'un conducteur par ex, ou l'organisation de mutualisation entre plusieurs personnes d'un groupement/collectif ou l'achat d'un véhicule commun.
Au sein des groupements, le panel de solutions est large, on recense aussi bien un essor des pratiques de covoiturage de produits entre producteurs (Raton, Gazull, 2019), valorisant ainsi les ressources existantes en véhicules, que l’organisation interne des livraisons au sein de groupements de producteurs (véhicule et chauffeur commun en CUMA ), jusqu’à l’organisation de services de livraison dédiés, au sein de groupements d’épiceries par exemple (figure 1)

La mutualisation entre producteurs est souvent séduisante économiquement et socialement cependant, elle est souvent synonyme de beaucoup d'énergie pour peu d'optimisation et donc de valeur ajoutée.
Pour objectiver l'intérêt des telles solutions, il est intéressant de relever les taux de chargement du véhicule, les coûts du transport et leur répartition par producteur.

Sources


Ressources : Valise pédagogique Logicout (projet Colcicca)
https://www.logicout.fr/static/doc_ressources/a_calculs_interets_limites.pdf
https://www.logicout.fr/static/doc_ressources/f_externaliser_logistique.pdf
RAIMBERT C, RATON G, M. DELABRE, C. TELLIER, L. VAILLANT, 2019, Concevoir des organisations logistiques collectives et intelligentes pour les circuits courts alimentaires. Méthodes et mise en pratique, Projet COLCICCA, CEREMA/IFSTTAR/Chambre d’Agriculture des hauts de France/ Région Hauts-de-France, 39 p. https://www.logicout.fr/couts/ressources/

BERTRAND J. (2015), L’offre de transport et de services logistiques pour les circuits courts alimentaires, rapport de stage, Sciences Po Lille, IFSTTAR, projet ALLOCIRCO, 77 p.

BLANQUART C, A. GONCALVES, G. RATON, L. VAILLANT, 2015, Vecteurs et freins d’une logistique plus durable dans les circuits-courts : le cas du Nord-Pas-de-Calais, 52e colloque ARSDLF, 7-9 juillet 2015, Montpellier

BOUCHEZ P, J. FAURE, L. GAILLARD, E. HARDY-METAYER, B. METAYER, G. RATON, M. RIOS, A. TRAN-THANH, L. VAILLANT, B. ZOGALL, (2017), Organisations logistiques intelligentes en Vallée de la Seine, rapport intermédiaire du projet OLICO-Seine, ADEME, Région Ile-de-France, Région Normandie, 137 p.

BOUROULLEC M. (2020), Éclairage Covid-19 | Les plateformes d’approvisionnement et de distribution des produits locaux, https://www.rmt-alimentation-locale.org/post/%C3%A9clairage-covid-19-les-plateformes-d-approvisionnement-et-de-distribution-des-produits-locaux

DAMIEN M.M. (2010), Dictionnaire du transport et de la logistique, DUNOD, 3e edition, L’Usine Nouvelle, 593 p.

PRALY C., CHAZOULE C., DELFOSSE C., SALEILLES S., MIEHE A., 2012, Repenser l’échelle d’approvisionnement des cantines, in Prigent-Simonin A. H., Herault-Fournier C., Au plus près de l’assiette. Pérenniser les circuits courts alimentaires, Dijon, Versailles : Editions Educagri, Quae Editions, collection « Sciences et partage », pp. 169-186

RAIMBERT C, RATON G, M. DELABRE, C. TELLIER, L. VAILLANT, 2019, Concevoir des organisations logistiques collectives et intelligentes pour les circuits courts alimentaires. Méthodes et mise en pratique, Projet COLCICCA, CEREMA/IFSTTAR/Chambre d’Agriculture des hauts de France/ Région Hauts-de-France, 39 p. https://www.logicout.fr/couts/ressources/

RATON G., E. GAZULL (2019), Le droit de la mutualisation des transports de marchandises en circuit court, Rapport de projet DGITM, CONVENTION N° 16/368, 39 p.

RATON G., GONCALVES, A., VAILLANT L., BLANQUART, C., LOEUILLEUX P., TELLIER C., (2015), Alternatives logistiques pour les circuits courts en Nord-Pas de Calais, rapport final ALLOCIRCO, IFSTTAR-Région Hauts-de-France, 275 p.
RATON G, A. GONCALVES, GAILLARD L., F. WALLET, (2020), Logistique des circuits courts alimentaires de proximité : état des lieux, nouveaux enjeux et pistes d’évolution, 69 p, https://www.rmt-alimentation-locale.org/post/logistique-%C3%A9tat-des-lieux-logistique-des-cha%C3%AEnes-courtes-de-proximit%C3%A9

REME-HARNAY, Pétronille, 2020, Dépendance économique dans les relations de sous-traitance : quels critères? Le cas des chauffeurs-livreurs de la messagerie, Droit et société, 104, 1, Lextenso, pp 189-209
https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe.htm#

REME-HARNAY, Pétronille, 2020, Comment les plateformes numériques accroissent la dépendance dans les relations de sous-traitance : Le cas de la livraison à vélo, Revue Française de Socio Economie, 2, 25, Editions la Découverte, pp 175-198, DOI: 10.3917/rfse.025.0175
http://dx.doi.org/10.3917/rfse.025.0175

Contributeurs

Aspect thématique lié à cette question

Économique

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Question relue et validée